Saisir l’instant

Les lieux que nous aimons sont-ils éternels ? Nous les fréquentons depuis l'enfance ou nous les avons découverts, adulte, au gré de nos voyages. Ils constituent une sorte de géographie mentale à laquelle nous nous référons sans cesse. Y retourner est gage de ressourcement, y penser une évasion mentale qui permet de tenir dans les moments difficiles.

Nous les croyons permanents. Quand le monde semble vaciller , ils sont le point fixe, immuable. Ils nous rassurent, ils nous apaisent.

Pourtant, ces lieux sont fragiles. Le vieux quartier où nous aimions nous promener a été rasé, laissant la place à des barres d'immeubles. Un autre est envahi par des hordes de touristes. Le littoral sauvage est devenu lotissement. L'accès des dunes est interdit par souci de protection.

La montagne nous semblait préservée, imposant sa silhouette hiératique, ses neiges éternelles. Mais la neige fond, les glaciers reculent, les parois rocheuses basculent avec fracas, modifiant profondément sa physionomie.

En peignant les lacs du massif du Haut-Giffre – Anterne, les Chambres, la Vogealle, Gers, les Laouchets - j'ai cherché à fixer ce sentiment de bien-être intense face au miroir profond qui aspire le regard, nous faisant oublier la fuite du temps, et unit dans ses reflets notre esprit apaisé à celui de l'univers.

Mais l'été dernier, avec la canicule, les rives se sont asséchées, le bleu et le vert des eaux se sont dilués dans la boue, la terre crevassée a dévoilé des roches blanchies comme des os de dinosaure.

L'urgence climatique met en lumière une mission importante de l'artiste : saisir l'instant qui va disparaître afin de restituer, dans le futur, le passé. La peinture est le conservatoire des lieux éphémères, engloutis. Elle témoigne de ce qui a été et n'est plus. Pour accéder aux lacs, cliquez sur ce lien.

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